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12 octobre 2006 4 12 /10 /octobre /2006 10:00

 

 

 

 

 

Une année, il y a eu un handicapé qu’est venu à l’école.
Il était tout tordu,
Il avait les guibolles dans des trucs en ferrailles,
Et il se contorsionnait pour marcher,
Il se penchait bien bien sur la droite,
Il balançait sa patte gauche en avant,l
oin loin,
Et hop, il se rétablissait.
Et après, il faisait pareil avec la droite.
Tu parles que ça nous faisait marrer.
Il s’appelait Mathieu.

Tout le monde se foutait de sa gueule au Mathieu.
Surtout Granval.
Granval, c’était un grand costaud avec une gueule de con.  
« Comment ça va Frankestein ? C’est quoi que t’as aux pattes ?
t’es un super héros où quoi ? »
Et il lui refilait de grands coups de pompes dans son appareillage
et ça lui faisait se casser la gueule au Mathieu.
Tout le monde était mort de rire.

Le Mathieu, il est devenu le souffre douleur de Granval.
« Eh le crabe, tu me serres pas la pince aujourd’hui ? »
Et le Mathieu, il arrivait comme il pouvait tête basse pour lui serrer la main.
« J’ai failli attendre. Tu sais pas courir ? Allez, viens on va faire un cent mètres. »
Et il le traînait par la main à toute vitesse, le Mathieu il finissait par se rétamer et Granval il le terminait à coups de savates.

Ça a duré comme ça tout le premier trimestre.
Nous autres, on était pas les derniers à rire, faut dire.
Il y a que Toto qui disait rien.
Et puis un jour, le Granval il est pas venu à l’école.
Et puis deux jours.
Et puis une semaine.
Un mois.
Et tout le deuxième trimestre.
Il avait complètement disparu de la circulation.
Il avait eu un accident à ce qu’il paraissait.
Et puis, on l’a oublié le Granval.

C’était au début du mois de mars,
Une voiture s’est arrêté devant l’école,
Un type en est sorti, c’était le père à Granval,
Il a été dans le coffre et a retiré une chaise roulante qu’il a déplié,
Puis il a sorti Granval de l’auto et il l’a assis dans le fauteuil.
Et Granval il est rentré à l’école dans son fauteuil roulant.
Il y avait un silence de mort.
Tout le monde s’était arrêté de jouer.
Il en menait pas large le Granval.
Alors, y a Toto qu’est allé le voir.
« ça va, ça roule comme tu veux ? » qu’il lui a demandé avec un petit sourire.
Le Granval il a baissé la tête.

Ce qu’on sait de son accident, c’est qu’un soir il s’est fait attaqué par des Gitans
Qui lui ont fracassé les jambes à coup de barres de fer.
Ça, c’est la version officielle.
Mais moi, j’ai une autre version,
Une version démonte pneu.
Un jour que j’étais avec Toto dans sa grange, il m’a montré le démonte pneu :
« c’est un démonte pneu qu’aime pas qu’on se moque des handicapés. »
Moi, du jour qu'il m’avait dit ça, je m’étais plus foutu de la gueule de Mathieu.

Toine.
Cellule 214.

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commentaires

G
ça dépend des jours, mais en vérité, rarement par les oreilles.            Je sais, c'est décevant.
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L
Quel texte vraiment génial. Je me retrouve à pleurer comme une madeleine, comme devamt le générique de Dawson.<br /> Mais ne  vois aucune corrélation entre ton texte et les tribulations pathétiques de Dawson et sa bande.<br /> Et ça te sort d'où, toutes ces idées ? Par l'oreille ?
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