Ce matin, je me suis réveillé en étant arrêté par la Police.
- Avoue salaud, qu’elle me gueulait en me filant de grandes et lourdes baffes.
La Police est une dame qui n’est pas très policée.
Elle m’a sorti du lit et m’a jeté violemment contre le mur qui malheureusement se trouvait exactement entre moi et rien.
Alors que je glissais lentement le long dudit mur pour rejoindre le sol, elle en profita pour vérifier si ses brodequins, qu’elle avait cloutés de petites pointes acérées très désagréables, pouvaient labourer un dos ; Je l’ai rassuré de mon mieux.
- Puisse que c’est comme ça, on t’emmène au commissariat pour une garde à vue, pourriture.
La Police te parle toujours à la seconde personne du singulier même si tu ne la connais pas, sauf si tu es préfet.
Elle a mis des menottes autour des miennes et m’a poussé dans l’escalier alors qu’elle prenait l’ascenseur.
On est arrivé en bas en même temps.
La concierge a détourné la tête comme elle détourne la pension du petit vieux du troisième.
La Police m’a jeté dans un panier à salade et m’a essoré pendant le trajet.
Le Commissaire m’a accueillit avec beaucoup d’humanité, c’est à dire en m’enfonçant son poing dans le ventre à plusieurs reprises très vite d’un geste large et harmonieux, j’en fus très touché et j’ai même pleuré.
- Tu vas parler c’est moi qui te le dit.
Malgré mon œil que j’avais de fermé suite à un malencontreux choc avec un casque, ce n’était pas la peine qu’il me le précise, je voyais bien que c’était lui qui me le disait et personne d’autre.
Il m’a assis sur une chaise et m’a proposé gentiment un café brûlant sur le visage.
Puis, avec quelques collègues à lui, ils ont révisé le bottin téléphonique des Bouches du Rhône sur moi.
Ils allaient attaquer le Var mais il était l’heure d’aller manger et après il ne reste plus rien à la cantine.
Mais je ne perdais rien pour attendre.
C’est vrai que je gagnais de beaux coups à les connaître.
Ils m’ont attaché au radiateur en me conseillant de ne pas bouger ce qui m’aurait été, de toutes façons, bien difficile si je l’avais voulu, à moins d’être un contorsionniste ou un homme serpent ce qui revient à peu près au même.
Ils sont revenu vers quatre heures en chantant « quoi ma gueule » qui n’augurait rien de bon pour la mienne.
- Bon, on va reprendre tout de zéro, dit le commissaire ; ce qui ne m’arrangeait pas vraiment.
Il m’a dit que j’avais pas intérêt à trop à faire le mariole sinon je verrais de quel bois il se chauffe et il en profita pour m’en donner un aperçu en me cassant une chaise sur la tête.
Je ne sais pas si c’était leur haleine mais je sentais qu’ils avaient tous bu plus que de raisin, surtout quand le brigadier chef m’a vomi dessus.
J’ai franchement eu peur quand ils ont parlé de me couper les couilles mais le téléphone a sonné à la porte.
Le commissaire est allé ouvrir et c’était la brigadière qui s’excusait de les déranger pendant le travail mais elle venait de s’apercevoir qu’elle s’était trompé dans l’adresse de ce matin.
Ils ont tous été très déçu car j’étais un bon client qui n’avait rien avoué.
Beaucoup aurait déjà pris perpète, m’a dit le commissaire en me détachant avec un brin d’admiration dans la voix, il n’en avait pas assez pour faire un bouquet.
Il m’a aidé à me relever et m’a proposé de me raccompagner jusqu’à chez moi dans une voiture banalisée avec POLICE marqué en gros dessus.
Vu leurs états, j’ai préféré rentrer à pied.
Ils ont insisté un peu pour la forme mais pas trop car j’avais fait mes preuves.
En me conduisant vers la sortie, le commissaire m’a dit que j’avais de la chance d’être tombé sur eux, parce qu’avec un juge d’instruction j’en aurais pris pour vingt ans.
- Même en étant innocent ? parvins-je à articuler entre deux caillots de sang.
- Surtout. Il n’aiment pas reconnaître leurs erreurs, qu’il que dit en me donnant une grande
tape amicale dans le dos qui m’a fait cracher la molaire qui ne tenait plus qu’à un nerf.
- Au plaisir, qu’il me fit en me broyant la main en souvenir du passé.
Je suis allé directement au bistrot que j’étais bien content d’avoir mis dans mes favoris.
- Ouh, toi t’as la tête des mauvais jours, m’a fait Gustrave le Tenancier alors que j’entrais
avec ma tête.
Je lui ai demandé de me servir quelque chose de fort et de ne pas en rajouter.
Il m’a donné quelque chose de fort et n’en n’a pas rajouté.
J’ai descendu cette chose forte d’un trait et je lui en ai réclamé une autre dans la foulée que j’avais régulière.
Il m’en a servi une autre sans en rajouter alors que j’aurais bien voulu.
J’ai tiré un autre trait, un peu moins droit, puis j’ai pris la porte en lui promettant de lui ramener le lendemain.
J’étais un peu ovale ; il était grand temps que je parte avant d’être complètement rond.
Je suis rentré chez moi en traînant les pieds derrière moi car mes chaussures me faisaient atrocement souffrir, et j’avais eu ma dose.
J’ai posé la porte du bistrot à la place de la mienne qui était toute défoncée, et j’ai poussé un soupir de soulagement jusqu’au milieu du salon en me sachant protégé des bandits de la Police.
J’ai dé-lyophilisé une petite soupe à la grimace en sachet qui me restait de mes dernières vacances à Dunkerque, que je me suis dépêché d’avaler car elle allait être périmé dans les cinq minutes.
Le jour est parti se coucher et la nuit à pris son service avec deux minutes de retard, ce qui a occasionné un léger disfonctionnement spatio-temporel en Chine, mais personne ne s’en ait aperçu.
Je viens de m’allonger dans le but de dormir à l’aide de mes yeux que je compte garder fermés jusqu’au lendemain matin.
J’ai, en toute modestie, bien mérité un bon sommeil du juste milieu.
J’espère que demain matin la Police ne se trompera pas d’adresse parce qu’il ne me reste plus qu’une dent.