Au centre où va ma fille, il y avait un petit garçon autiste qui avait la particularité de se frapper violemment, de se mordre, de se griffer. Il ne parlait pas, juste il criait.
Cet enfant, c’était une vraie plaie, dans tous les sens du terme.
Il s’appelait Johan.
Ses parents l’ont abandonné alors qu’il était tout petit, en fait, dès qu’ils se sont aperçus de l’ampleur de son handicap. Avant, ils avaient divorcés bien sûr. Puis sa mère l’a mis à la DASS, parce qu’elle avait certainement encore envie de vivre.
Johan, il allait au centre la semaine, et le week-end de famille en foyer d’accueil.
La première fois que je l’ai vu, il avait dix ans ; il en paraissait six.
Il était couvert de bleus, de morsures, de griffures. Un visage sans expression, des yeux vide de tout, recroquevillé dans les bras de Jacques, un éducateur. C’était le seul à pouvoir le calmer. Peut-être parce qu’il l’aimait.
On ne savait jamais si Johan comprenait ce qu'on lui disait. On ne savait jamais ce que Johan pensait, et si seulement il pensait. Johan, c’était comme une bête sauvage.
Jacques lui donnait à manger, comme si c’était un moineau.
Je peux vous garantir que voir un jour Johan dans sa vie, ça vous laisse une boule d'aiguilles dans le fond de la gorge.
La dernière fois que j’ai vu Johan, il avait quatorze ans, il en paraissait huit, à tout casser, et il se cassait tout.
Nous étions au repas de fin d’année, après le fameux spectacle de fin d'année, Johan était blotti dans les bras de Jacques, et Jacques lui parlait doucement en lui caressant la tête, il lui expliquait que c’était la dernière année qu’il venait au centre, que l’année prochaine, il irait dans un autre centre, un centre mieux, plus adapté pour lui, qu’il y aurait des gens qui s’occuperait bien de lui, et que lui, Jacques, il viendrait le voir de temps en temps, Johan avait son visage de d’habitude, sans expression, avec ses yeux tout vide de tout, juste une petite larme coulait de son œil droit.