Un des avantages d’avoir un enfant handicapée comme le dit si bien Jean-Louis Fournier, c’est la carte du même nom.

Elle permet de se garer sur les places handicapées en toute impunité.

Par contre c'est vrai, on a beaucoup perdu avec la suppression de la vignette.

Autre avantage, les musées et autres parcs, quand on a un enfant aveugle, l’enfant paie demi-tarif, l’adulte peut être considéré comme accompagnateur et il ne paye pas. Ça ne marche pas partout mais pas mal quand même.

En plus, on ne fait pas la queue de deux heures pour faire une attraction, on passe devant tout le monde, comme si on était des VIP, et je peux vous dire que chez Mickey c’est bien. On peut faire les super manèges plusieurs fois.

Il y a pleins de gosses qui nous envie et qui rêveraient d’avoir une sœur handicapée.

Pour la carte, nous, il faut qu’on la renouvelle tous les cinq ans. Avant, c’était tous les trois ans.

Et c’est un véritable chemin de croix.

Il faut qu’on prouve qu’elle est aveugle et ce n’est pas si facile que ça en fait.

Il faut que l’on fournisse à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) des tas de certificats médical à jour, des attestations de prise en charge de son institution, et tout son passé médical, plus deux photos.

On envoie le tout, la certitude du devoir accomplie, et bien, vous pouvez être sûr qu’ils vont nous retourner le dossier parce qu’il manquera la photocopie de la prise en charge d’il y a cinq ans qu’ils ont perdu.

Quand ce n’est pas tout le dossier qu’ils perdent.

En fait, les photos devraient suffire, car elle a un œil tout blanc (microphtalmie) et l’autre tout gros et marron, et franchement, on se rend bien compte en la regardant qu’elle ne fait pas semblant et que c’est pas facile de voir avec des yeux pareils.

Un jour, faudrait qu’on se déplace avec elle pour bien leur montrer le problème.

Et pourquoi tous les cinq ans ?

Il est bien évident qu’elle ne verra jamais.

Ou alors, il faudrait un miracle.

La MDPH doit croire aux miracles.

On va programmer nos prochaines vacances à Lourdes.

La première fois que nous sommes allé à l’hôpital de jour, ça nous a fait un choc.

Faut avoir le cœur bien accroché à l’aorte quand on n’a pas l’habitude.

Salneuve, c’est un hôpital de jour pour les enfants sourds et aveugles qui ont aussi des problèmes dans la tête.

Salneuve, c’était à Paris dans le 17^ème arrondissement, et il n’y avait que le nom qui était neuf. Aujourd’hui, je crois qu’ils ont déménagé à Aubervilliers.

En arrivant, la première pensée qui vous vient, c’est : « mais où est-ce qu’on est tombé, on est chez les fous ? ».

Ben oui.

Surtout quand c’est la récré.

Il y avait des petits monstres qui couraient de partout.

Et quand je dis des petits monstres, j’exagère à peine.

Il y en avait un qui c’est précipité vers moi, il s’est emparé de ma main et l’a posé sur sa tête et m’a regardé en bavant.

Ça devait être un sourd.

L’animateur est arrivé pour nous accueillir.

« C’est Alexandre, il aime qu’on lui gratte la tête.»

Je lui ai gratté un peu par politesse et je l’ai refilé à ma femme.

J’avais quand même hâte d’aller me laver la main.

Dans la cour, les sourds criaient et les aveugles couraient.

Il y  avait une petite fille qui était perchée en équilibre et qui se balançait tout en haut d’un toboggan.

C’était une aveugle car elle n’avait pas de yeux.

Je me suis dit qu’elle allait se casser la figure, j’ai voulu prévenir l’éducateur mais ça n’a pas eu l’air de l’inquiéter plus que ça.

« Oui, C’est Laura, qu’il m’a répondu, elle adore monter sur le toboggan.»

Il nous a fait visiter.

En haut, ils avaient mis les aveugles et en bas les sourds.

Moi, j’aurais fait le contraire à cause des escaliers.

Mais non, en fait c’était fait exprès, pour habituer les aveugles.

Quand on s’en est allé, la petite en haut du toboggan n’était toujours pas tombée. Avec ma femme, on s’est juré que notre fille ne mettrait jamais les pieds dans cet asile de cinglés.

Je viens de finir le livre de Jean-Louis Fournier  « Où on va, Papa ? », c'est l'histoire d'un père d'enfants lourdement handicapés, c'est une histoire de vie, c'est donc un livre d'humour.

Et ça m’a rappelé plein de souvenirs que je vis encore avec ma fille.

J’avais, à une époque, essayé d’écrire un petit peu de son histoire mais j’avais laissé tombé.

Jean-Louis Fournier m’a donné envie d’y retourner.

Avoir un enfant handicapé, c’est pas facile tous les jours mais c’est pas une raison pour se plaindre et emmerder tout le monde.

Parce que  rien n’empêche les parents de l’abandonner et de reprendre une vie normale.

Jean-Louis Fournier, lui, il a eu deux enfants handicapés, c’est fort.